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Stéphane Bourgoin, un mythe s'effondre... ou presque !

La criminologie, un univers particulier
La criminologie, un univers particulier

Vous le savez si vous vous êtes intéressé(e) à la longue liste d'articles qui figurent sur cet Antre, je m'intéresse à la criminologie et ce, depuis pas mal d'années à présent. L'origine de cet intérêt, je ne saurais l'expliquer, je pourrais juste en dire que je m'intéresse à la psychologie de ces personnes, j'essaie de comprendre pourquoi et comment elles en sont arrivées aux crimes atroces qu'elles ont commis. J'ai fait beaucoup de recherches sur plusieurs de ces personnalités, dont certaines très connues (vous pouvez par exemple lire mon article sur la Demoiselle de la Mort Aileen Wuornos, celui sur le Cannibale de Milwaukee Jeffrey Dahmer, ou encore celui sur le Vampire de Sacramento Richard Trenton Chase). Pour rédiger ces articles, je me suis servie de bien des sources, dont des articles de journaux (américains pour la plupart), et j'ai tout réécrit à ma sauce, en tentant d'être au plus près de ce qui s'est réellement passé pour ces personnes ainsi que pour leurs victimes. C'est ainsi que je procède.


Le premier que j'ai traité, c'était Jack l'Eventreur, en octobre 2008, via deux articles encore disponibles dans les fins fonds du net. Je suis même rentrée en contact à cette époque avec Philip Welté, auteur du livre "Jack l'Eventreur : le secret de Mary Jane K.", qui a eu la gentillesse de m'offrir son livre en PDF et de m'autoriser à utiliser les photos du livret central pour pouvoir proposer un travail abouti dont la version finale est sur l'Antre. Et au milieu de ces recherches que j'ai faites pour d'autres serial killers, je suis tombée à plusieurs reprises sur un nom. Le nom de quelqu'un que l'on présente comme étant un spécialiste des serial killers. Stéphane Bourgoin. Je l'ai rencontré pour la première fois le 2 avril 2016 (j'en ai fait un article), puis le 1er avril 2017, le 11 novembre 2017 et enfin, le 28 avril 2018. Trois de ces quatre rencontres se sont passées lors du salon Lire à Limoges, la quatrième eut lieu au salon du livre de Brive. Les quatre fois, je suis repartie avec l'un de ses livres, dédicacé. Les quatre fois, j'ai apprécié le moment d'échanges que j'ai eu avec lui. Et les quatre fois, je n'ai pu m'empêcher de quitter les lieux en me demandant si vraiment, l'histoire qu'il raconte à tout va pour expliquer son intérêt pour les serial killers est vraie. Car cela fait des années qu'un doute persiste à ce sujet (on peut encore en trouver des traces sur le net), et j'avais moi-même tenté une fois de trouver qui était cette compagne violée, mutilée puis assassinée en 1976, ainsi que le serial killer à l'origine de ce crime. Mais aucun des serial killers dans le couloir de la mort en Californie pour des crimes commis aux alentours de 1976 ne correspondait aux faits décrits par Stéphane Bourgoin.

Une de mes rencontres avec Stéphane Bourgoin, le 11/11/2017
Une de mes rencontres avec Stéphane Bourgoin, le 11/11/2017

Malgré tout, je me suis quand même intéressée de près au travail qu'il a effectué. Il est en effet à la tête d'une belle bibliographie sur divers serial killers, et la lecture de ses écrits est fort intéressante. Seulement voilà, ce doute qui circulait déjà sur Internet depuis plusieurs années, vient de s'éclaircir aujourd'hui, via le n°3705 du magazine Paris Match, qui consacre pas moins de 5 pages sur Stéphane Bourgoin. Des aveux... Il a menti, sur cette histoire qui expliquait l'origine de son intérêt pour les serial killers, mais pas que. Stéphane Bourgoin avait beau le clamer, il n'a jamais effectué deux stages de 6 mois à Quantico, l'académie de formation des agents du FBI. Il n'a jamais rencontré l'immense majorité des 77 serial killers qu'il était fier d'annoncer avoir interviewé. Pire encore, ce qu'il racontait de sa rencontre avec Charles Manson (dont j'ai traité l'histoire via un article sur la Manson Family), il l'a emprunté à John Douglas, l'auteur de "Mindhunter", le livre qui a servi de source à la série du même nom sur Netflix. Eh oui, cette rencontre durant laquelle Charles Manson s'installe sur le dossier de la chaise dans la salle d'interrogatoire que l'on peut lire dans le livre mais aussi voir dans la série, ce n'est pas Stéphane Bourgoin qui l'a vécu, c'est John Douglas, qui est aussi à l'origine du profilage criminel. Douglas, qui ne sait par ailleurs même pas qui est Stéphane Bourgoin, pourtant présenté comme spécialiste mondial des tueurs en série, à en croire les médias français qui le reçoivent.

Le coup est dur à encaisser. La majeure partie des anecdotes racontées par Stéphane Bourgoin sont fausses, voire pire encore, il les a empruntées à d'autres, comme les aveux du criminel Stewart Wilken, qui ont en réalité été confiés à Derick Norsworthy, adjoint de la célèbre profileuse Micki Pistorius. Et d'ailleurs, Stéphane Bourgoin n'a jamais été mêlé à la moindre enquête en cours. Des recherches ont été effectuées depuis plusieurs mois par un groupe de 8 personnes, qui s'est nommé "4ème Oeil Corporation". Il a une page Facebook, et avait également une chaîne YouTube, dont les vidéos ont été supprimées pour cause de droits d'auteur (elles utilisaient en effet des extraits d'interviews et autres conférences de Stéphane Bourgoin). Loin d'être calomnieuses, ces vidéos montraient simplement les incohérences dans les différents discours de Stéphane Bourgoin, et mettaient en lumière ses mensonges gros comme des maisons.

"Paris Match" n°3705 du 07/05/2020
"Paris Match" n°3705 du 07/05/2020

Aujourd'hui, avec le n°3705 de Paris Match, Stéphane Bourgoin, acculé, a tout avoué. Ou presque. On ne sait toujours pas ce qu'il en est de sa carrière de 7 ans en tant que footballeur professionnel au Redstar. Ca, et quelques autres choses qui ont été tues également. Mais le principal est là, il a avoué avoir menti durant toutes ces années. Sa carrière risque d'en prendre un coup. De mon côté, comme de celui de tous ceux qui le suivaient jusqu'ici, voire croyaient tout ce qu'il disait à la télévision et dans les journaux, devons-nous continuer à le lire, à le croire ? Le croire, sans doute pas. Mais le lire, personnellement je n'en vois pas l'inconvénient et ce, pour une raison toute simple. En effet il n'est pas spécialiste mondial des tueurs en série, en effet ses recherches et écrits n'ont pas de reconnaissance universitaire, en effet son travail n'a pas du tout influencé le FBI américain. Mais malgré tout, ses livres sont tout de même le fruit de recherches très poussées, et ses analyses psychologiques ne sont pas dénuées d'intérêt. Son expertise dans le domaine est bien réelle.

Il faut juste le prendre pour ce qu'il est réellement : un passionné de criminologie, plus spécifiquement un passionné des tueurs en série. En soit, ce n'est absolument pas un crime. Le problème, c'est qu'en France, quand on n'a pas fait d'études en psychologie et/ou en criminologie, on n'est pas écouté lorsqu'on essaie d'avancer une théorie sur le sujet. Je connais personnellement un cas, celui d'un enfant qui présente bien des symptômes psychologiques inquiétants. Sauf que la sonnette d'alarme qui a été tirée pour cet enfant auprès d'un psychiatre n'a pas été crue par ledit psychiatre. L'entourage de cet enfant pas fait les études adéquates, sa parole n'a donc aucune valeur aux yeux de ce psychiatre qui, lui, a justement fait ces études. Le temps est passé depuis, l'enfant ne dispose toujours pas du suivi adéquat, et continue encore aujourd'hui de s'enfoncer dans ses problèmes comportementaux et psychologiques. Parce que la parole de quelqu'un qui n'a pas fait les études adéquates n'a pas de valeur. Voilà comment fonctionne la France. Et c'est peut-être ce qu'a ressenti Stéphane Bourgoin, et ce qui explique peut-être pourquoi il a inventé l'histoire de cette compagne nommée Eileen. Pour la crédibilité d'un homme qui n'est pas allé à l'université. Crédibilité qui aujourd'hui, malheureusement, s'effondre.

Pour ma part, même en ayant la confirmation qu'il a bel et bien inventé une partie de sa vie (et même davantage que je ne l'aurais pensé), je continuerai de lire ses livres, et je retournerai très certainement le rencontrer à l'occasion de l'une de ses venues par chez moi. Juste, il est dommage qu'il ait ressenti ce besoin de broder une histoire pour expliquer cet intérêt pour ce milieu, macabre il est vrai (mais je plaide coupable également puisque je m'y intéresse aussi, et je n'ai aucun motif "valable" à cela), et d'inventer tant d'autres choses. Il n'avait clairement pas besoin de ça.

Retrouvez la liste complète des articles de l'Antre dans le SOMMAIRE !

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