La Brume de l'oubli - 2nd extrait
Finalement, j’arrive devant mon bureau à 8 h 15. Et j’aperçois déjà le responsable de la boîte arriver à l’autre bout, saluant un à un tous ses employés. Il s’agit d’un open space sur plusieurs dizaines de mètres carrés, typique des grands bureaux parisiens. Nous sommes une vingtaine à travailler dans cet espace immense, chacun devant un grand bureau suffisamment éloigné des autres pour que nous puissions travailler en paix, mais aussi assez proche les uns des autres afin de pouvoir nous entendre en cas d’échange oral quelconque.
C’est à la fois plaisant, et désagréable.
Le côté désagréable, c’est quand vous vous levez pour vous rendre aux toilettes
par exemple. Tout le monde est au courant, parce que tout le monde vous voit y
aller ! Je suis toujours ennuyée dès lors que mon tour d’avoir envie arrive. Je
suis un être humain, ma vessie n’est pas sans fond, je suis obligée de la
soulager de temps à autre. Tous ces yeux qui se posent sur moi dès que je lève
une fesse de mon fauteuil, vraiment, ça me dérange. Beaucoup. Aussi, j’essaie
de me diriger vers les toilettes le moins possible.
– Bonjour madame Labruges.
Dites-moi, vous n’êtes pas revenue hier après-midi.
– En effet, monsieur le
directeur. L’entretien a été long, je suis désolée.
J’ai répondu ainsi sous la panique. Mes
mains se sont mises à trembler, et j’ai commencé à suer à grosses gouttes dès
qu’il a ouvert la bouche. Alors c’est ainsi que l’on se sent, quand on est
coupable de quelque chose. Comment se sent à l’heure actuelle le meurtrier
d’avant-hier ? Est-ce qu’il se trouve aussi mal que je le suis en ce moment ?
Est-ce qu’il a été attrapé par la police ? Je n’ai pas eu le temps de me
renseigner à ce sujet, je n’ai pas regardé la télévision ni les actualités sur
mon mobile. Je ne sais rien de ce qui a pu se passer dernièrement.
Et tout à coup, cela m’effraie. Car ce tueur,
il m’a vu. Il sait qui je suis. Ou du moins, à quoi je ressemble. Peut-être
qu’il me suit à la trace, où que j’aille, depuis lundi. Peut-être même qu’il
sait ce que j’ai fait la nuit dernière, tandis que moi-même je suis incapable
de m’en rappeler. Il sait sûrement des détails que j’ignore à mon propre sujet,
j’en suis convaincue.
– Soit, si vous pouvez
rattraper votre retard aujourd’hui, ce serait pas mal.
Mon supérieur vient de me sortir de ma
torpeur. Comme d’habitude, il aura fallu que l’on me parle pour que je revienne
à la réalité. Sans me laisser le temps de répondre, il passe déjà à ma collègue
d’en face et lui serre une main sûre, ce à quoi elle répond par un sourire bête
et un « Bonjour ! » on ne peut plus niais. Je ne la supporte pas. D’ailleurs,
c’est simple, nous ne discutons jamais, car je crois qu’elle non plus ne me
supporte pas. Nous venons de deux mondes différents, elle a une dizaine
d’années de moins que moi, vit toujours chez ses parents, et a obtenu sa place
ici grâce à l’un de ses oncles qui travaille dans cette entreprise.
Moi, j’ai pris mon envol depuis longtemps.
Ma mère est décédée alors que je n’étais encore qu’une enfant. Quant à mon
père, il a suivi le chemin de ma mère, cela remonte à maintenant quelques années.
Il a connu William, mais mon fils n’était alors qu’un nourrisson quand il est
parti.
William ! Je récupère rapidement mon
mobile, me lève sans faire attention à tous les regards qui se dirigent vers
moi, et je sors du bureau. Dans le couloir, je retrouve Claire dans ma liste de
contacts, et je place immédiatement mon pouce sur son nom dès que je le vois. En
l’entendant m’accueillir au bout du fil sans aucune appréhension, je comprends
que Julien a dû être très rassurant la veille, lorsqu’il lui a parlé.
Je la rassure quant au fait que je
viendrai récupérer mon fils après mon rendez-vous avec le docteur Tullier,
comme d’habitude, aux alentours de 20 h 30. Le mercredi, c’est le
seul jour de la semaine où je n’ai pas le droit de faire n’importe quoi. Même
si je dois admettre que j’ai déjà dérogé à cette règle, un bon nombre de fois
de surcroît.
Mon emploi du temps va être sacrément
chargé aujourd’hui, entre mon retard d’hier et mon rendez-vous de ce soir. Et
Julien qui m’a demandé de le rappeler également après le travail. Cela fait
beaucoup pour une journée. Je retourne à mon bureau, où mes yeux se posent
immédiatement sur la pile de dossiers qui y trône fièrement. Je me sens
agressée par ces papiers, de toutes les couleurs, dont certains dépassent un
peu de l’ensemble.
Un soupir s’échappe de ma bouche. Je
croise le regard de ma collègue d’en face, qui se met à ricaner doucement en
voyant mon désarroi. Je lui mettrais bien mon poing dans la figure, sauf que ça
ne se fait pas, surtout pas devant autant de témoins. Je m’attirerais forcément
des problèmes. En revanche, si je la croisais au détour d’une ruelle sombre, ce
serait une autre histoire.
* "La Brume de l'oubli" est disponible depuis le 15 août 2019. Retrouvez-le sur toutes les plateformes de vente FR sur ce lien unique, qui rassemble également tous mes réseaux sociaux : https://linktr.ee/BloodwitchLuzOscuria
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Je suis aussi écrivain et lectrice-correctrice. Retrouvez tous mes réseaux sociaux pour ne rien rater de mes actualités, ainsi que mon service de révision de texte et toutes les plateformes sur lesquelles vous pouvez vous procurer mes livres, sur mon LinkTree !
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