La Brume de l'oubli - 3ème extrait
Je
suis descendue à la station Charles de Gaulle Etoile, la plaque tournante entre
le métro dont je sors, et le RER A que j’ai déjà pris un grand nombre de fois.
J’ai à présent le choix entre rejoindre le centre de la capitale, ou m’éloigner
vers Cergy ou Saint-Germain-en-Laye. Le cœur de Paris, c’est Châtelet Les
Halles. J’y ai tellement traîné lorsque j’étais plus jeune. Autant la plupart
de mes souvenirs sont flous, voire effacés, autant je me souviens de la place
de la Fontaine des Innocents, où l’eau coulait alors. J’ignore si c’est encore
le cas aujourd’hui, et j’ai tout à coup envie d’aller le vérifier.
Je
me décide à prendre le RER en direction du quartier Beaubourg. Il me fera
plaisir de retrouver cette fontaine, auprès de laquelle j’aimais bien m’asseoir
avec mes écouteurs aux oreilles à l’époque, avant que je ne devienne maman. La
seule différence, c’est qu’aujourd’hui je n’ai pas de MP3 dans mon sac. Cela
fait longtemps que n’écoute plus de musique, parce que je n’en ai pas le temps.
Ou du moins, je ne le prends pas.
Après un trajet d’une bonne dizaine de minutes, j’arrive à Châtelet. Le
temps de sortir des méandres de cette plateforme ô combien grande et
labyrinthique, je monte enfin les escaliers qui me séparent du jardin des
Halles. J’hésite entre traverser ce havre de paix ou aller m’asseoir près de la
fontaine. Mon cœur me dit de choisir la seconde option.
Je
tourne donc à gauche, et m’approche de l’édifice. Tandis que je m’attendais à
le retrouver aussi fringant qu’à l’époque où j’y venais régulièrement, je
découvre avec effroi que non seulement l’eau ne coule plus, mais en plus que
les détritus s’y amoncellent. Il manque même des morceaux du monument, qui trône
à présent comme un dépotoir au beau milieu de la place. Les choses ont
décidément beaucoup changé par ici.
Cela me rappelle les travaux qui ont eu lieu au niveau de l’Elysée
Montmartre, suite au terrible incendie qu’il a subi en mars 2011. C’était une
chouette salle de concerts, j’y allais de temps à autre le soir quand j’étais
jeune, après être passée dans le petit magasin de prêt-à-porter qui l’accole
depuis 1925. J’y ai déjà trouvé des vêtements très corrects, à bas prix. Mon
propre père se rendait dans la salle lui aussi, dans le but de supporter ses
catcheurs préférés durant sa propre jeunesse.
C’était le bon vieux temps, celui de la désinvolture et de l’innocence.
Aujourd’hui, le monde a évolué, et pas qu’en bien malheureusement. Mais s’il y
a bien une chose qui n’a pas changé, c’est le monde qui y circule. Je me suis
toujours demandé ce que font tous ces gens à cet endroit. Je me souviens
vaguement avoir croisé un sans-domicile-fixe par ici, il y a quelques années.
Il donnait des graines par centaines à des pigeons à côté de Beaubourg. Il
était Italien de naissance selon mes renseignements pris auprès des badauds, et
parlait avec un accent à couper au couteau. Et il était d’une grande douceur pour
ces volatiles si peu aimés des Parisiens. Le regarder au loin, les pigeons lui
tournoyant autour, c’était vraiment un joli spectacle. J’ignore ce qu’est
devenu cet homme depuis.
Je
me souviens de ces gens qui se sont tenus près de moi une fois, à le regarder
tout comme moi, se racontant que ce vieil homme s’était fait jeter hors de son
appartement, parce qu’il nourrissait des pigeons justement. Je crois me
rappeler que j’avais déjà trouvé cela odieux à l’époque. Et quand bien même
cela n’aurait pas été le cas, je le pense sincèrement aujourd’hui.
Il
paraît qu’il existe une loi interdisant de nourrir les pigeons. C’est possible,
cela ne me surprendrait pas. Néanmoins, les gens qui ont voté cette loi,
ont-ils pensé aux services que ces oiseaux si mal-aimés aujourd’hui ont pu rendre
au peuple français durant les deux guerres mondiales ? Ces messagers du ciel
ont changé le cours des choses, et aujourd’hui nous n’avons pas le droit de
leur donner à manger.
Vraiment, je ne comprends pas la mentalité de mon pays. Si je croisais
cet homme aujourd’hui, je le remercierais des soins qu’il donne à ces oiseaux. Or
il ne semble pas être là, alors que je passe par l’endroit où je l’avais déjà
repéré auparavant.
Je
passe donc mon chemin, afin de me perdre dans les petites rues alentour. Je
prends enfin quelques secondes pour vérifier l’heure qu’il est. 11 heures. Le
temps file à la vitesse du vent aujourd’hui. Je vois déjà des gens s’attabler
sur les terrasses des nombreux cafés du quartier, des couples, des collègues,
rarement des personnes seules comme moi.
Je
décide d’aller moi aussi m’installer à une de ces terrasses. Le serveur vient
me demander quelques secondes plus tard ce que j’aimerais boire. Je ne prendrai
pas de whisky aujourd’hui, ce sera une simple bière, qu’il vient m’apporter peu
après, avec ma note. Je ne sais pas encore si je vais déjeuner ici. J’ignore ce
que je vais faire du restant de ma journée. Je n’ai envie de rien. Tout ce que
je sais, c’est que je serai devant l’école de mon fils à sa sortie. Pour une
fois que j’ai l’occasion d’y être, je ne vais pas la rater.
* "La Brume de l'oubli" est disponible depuis le 15 août 2019. Retrouvez-le sur toutes les plateformes de vente FR sur ce lien unique, qui rassemble également tous mes réseaux sociaux : https://linktr.ee/BloodwitchLuzOscuria
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Je suis aussi écrivain et lectrice-correctrice. Retrouvez tous mes réseaux sociaux pour ne rien rater de mes actualités, ainsi que mon service de révision de texte et toutes les plateformes sur lesquelles vous pouvez vous procurer mes livres, sur mon LinkTree !
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