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La cancel culture, ou l'avènement d'un mode de pensée unique

Aujourd'hui, nous vivons dans un monde où, parce que ma fille de 11 ans a osé faire la petite remarque "C'est un nom chinois", en commentant le nom d'un artiste cité par son professeur d'arts plastique au collège, l'un de ses camarades du même âge l'a traitée de raciste. Nous vivons dans un monde où, même sans aucun sous-entendu péjoratif dans la parole, ce que l'on dit peut être interprété, étiqueté, déformé... y compris par des enfants de 11 ans, des enfants qui sont naturellement le reflet de leurs parents, qui ne se rendent pas toujours compte de ce qui se passe dans la tête de leur propre progéniture quand ils parlent avec eux.

Aujourd'hui, on préfère traquer la moindre petite phrase dans laquelle on peut pointer un racisme quelconque du doigt (ou de l'antisémitisme, ou autre chose, pourvu que l'on étiquette les propos car cela semble être devenu primordial !), plutôt que de lutter pour faire cesser des actes de violence qui se multiplient comme des petits pains. A la date du 1er juin 2021, on déplore les nouvelles suivantes, uniquement pour mon pays :

- Un employé d'un supermarché Intermarché à Grenoble reçoit un coup de couteau pendant une altercation avec un client - Son pronostic vital engagé

- Cergy: Les habitants et les forces de l'ordre à la recherche d'un homme qui aurait proféré des insultes racistes contre un livreur - Le maire de la ville appelle au calme

- Les images extrêmement violentes d'un individu qui écrase à deux reprises un homme près des Champs-Elysées - La police intervient pour immobiliser l'automobiliste

- Seine-et-Marne : Un homme est décédé des suites d'un coup de sabre porté, en pleine rue, par un ex-compagnon de sa petite amie

- Marseille - Un couple attaqué sans raison en pleine rue par "une horde sauvage de jeunes âgés de 18 à 23 ans" - L'homme dans le coma entre la vie et la mort

- Nord: Une femme de 33 ans est décédée à Douai "de cause apparemment traumatique" - Son concubin a été placé en garde à vue pour homicide volontaire

- Un employé d'un supermarché Intermarché à Grenoble reçoit un coup de couteau pendant une altercation avec un client - Son pronostic vital engagé


Et encore, il doit en manquer... Tous ces titres sont extraits du site jeanmarcmorandini.com, et ont été publiés entre le 31 mai à 16h02 et le 1er juin à 10h05. Je n'en peux plus de ce climat dangereux dans lequel nous vivons depuis plusieurs années maintenant. Je ne reconnais plus le pays dans lequel j'ai grandi... Vraiment plus...

Mais à priori, le baiser non-consenti à la fin du "Blanche-Neige" de Disney, le caractère un peu trop insistant de "Pépé le Putois", le monsieur Uncle Ben's que l'on a toujours connu sur les paquets de riz du même nom, posent davantage problème que les faits listés ci-dessus, pour une catégorie de personnes rassemblées en un mouvement nommé "cancel culture". Déboulonner des statues est un fer de lance plus important que la violence gratuite contre les personnes. Dénoncer la France esclavagiste, quitte à y ajouter des mensonges éhontés afin d'y mettre plus de poids, est plus important que la violence gratuite contre les personnes. Sauf que non, la France n'a pas inventé le système esclavagiste, et il suffit de se renseigner sur les méthodes employées en Egypte pour l'édification des Pyramides de Gizeh pour s'en rendre compte. La France n'est pas non plus le pire des esclavagistes, il suffit de se renseigner sur la traite arabo-musulmane. Pour autant, je ne pointerai pas du doigt le moindre Arabe ni le moindre Musulman (ils ne sont pas tous Arabes, et vice-versa) pour ce qu'ont pu faire leurs ancêtres. Parce qu'ils n'en sont pas responsables. Tout comme je ne m'estime pas responsable du passé de mon peuple, quand bien même je pourrais peut-être avoir des ancêtres esclavagistes, et à vrai dire je n'en sais rien. Toujours est-il que je ne peux pas réécrire l'histoire, et je ne vois pas pourquoi je serais responsable des faits passés de mes ancêtres et/ou de mon pays. Mais certains souhaitent pourtant réécrire l'histoire.

Ainsi, on demande la censure d'un "Ace Ventura" pour sa moquerie douce de film ZZZZ d'un personnage ouvertement grotesque parce qu'il est une insulte aux personnes transgenres. On préfère aussi demander le changement d'un titre de livre parce qu'il contient le mot "nègres" (qui n'est pas très élégant, j'en conviens, mais c'était pourtant son titre), ou encore l'ajout d'une bannière avant la diffusion d'un "Autant en emporte le vent", alors qu'une actrice de ce film a été la première actrice à la peau noire consacrée à Hollywood en remportant un Oscar pour le rôle qu'elle y a tenu. Je pense qu'il aurait été de bon ton de mettre cet aspect en avant, mais ce n'est pas ce qui a été décidé. On préfère ajouter également une bannière avant la diffusion d'un dessin-animé, "Peter Pan" de Disney en l'occurrence, pour son traitement des Indiens. En réponse à cette façon de penser, je me permets de reprendre John Caffey, dans le dramatique mais excellent film "La ligne verte" :

"Je suis fatigué, patron, fatigué de devoir courir les routes et d'être seul comme un moineau sous la pluie.
Fatigué d'avoir jamais un ami pour parler, pour me dire où on va, d'où on vient et pourquoi.
Mais surtout je suis fatigué de voir les hommes se battre les uns contre les autres.
Je suis fatigué de toute la peine et la souffrance que je sens dans le monde. Il y en a trop.
C'est comme si j'avais des bouts de verre dans ma tête."

Oui, il y a bien des combats à mener contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme, l'homophobie et j'en passe... Ces rejets manifestes de gens qui ont pourtant exactement le même corps que ceux qui les rejettent est abject. Mais je suis triste de constater que l'on en arrive à des situations où, en ces années 2020, pour une simple remarque d'une enfant de 11 ans sur un nom à consonnance asiatique, un camarade du même âge la traite de raciste. Je suis atterrée de constater qu'à cet âge, des enfants puissent déjà avoir la notion du racisme et en venir à juger aussi facilement d'une simple phrase, comme sur les réseaux sociaux. Lorsque j'avais le même âge, dans les années 90, j'ignorais jusqu'à l'existence de ce terme, je n'avais même pas la moindre idée de ce qu'était le rejet de l'autre. J'avais des copains, et des pas-copains, non pas pour leur couleur de peau ou leurs origines ou les choses qu'ils pouvaient dire, mais parce que je ne m'entendais pas avec. Simplement. Jamais je n'ai entendu le moindre jugement autour de moi, ni sur un nom ni sur une origine ni sur une couleur de peau. Pas à l'école. A l'école dans les années 90, on jugeait sur les vêtements portés surtout, il n'y avait pas de racisme en tout cas. Mais aujourd'hui, on préfère juger d'une simple remarque, la prendre pour ce qu'elle n'est pas, incorporer dans la bouche d'un enfant les jugements de ses propres parents afin qu'ils la sèment autour d'eux.

Je ne veux pas de cette société où l'on doit supprimer tout ce qui est jugé dépasser, même juste un tout petit peu, du cadre. Je ne veux pas avoir ce sentiment de vivre dans une dictature de la bien-pensance, un monde dans lequel on nous impose un mode de pensée unique. J'ai gravement l'impression, avec le temps qui passe, que nous entrons dans un monde à la "1984" de George Orwell, et ce monde dans lequel on brûle les livres qui ne correspondent pas à la bien-pensance imposée par la force politique en place dans ce roman me fait vraiment très, très peur. Je n'ai pas envie d'entrer dans ce monde-là, et pourtant, nous sommes en train d'y venir, doucement mais sûrement. Pour l'instant, on ne brûle pas de livres, mais on commence à mettre sur le bûcher des films, voire des dessins-animés qu'il ne faudrait même plus diffuser, ou alors avec un bandeau qui explique qu'ils ont été réalisés à une autre époque. Voilà où nous en sommes. Que sera demain ? Eh bien, nous pourrions tout à fait en arriver à brûler des livres. On en censure déjà certains.

De mon côté, je suis écrivain de manière officielle depuis 8 ans, bien que j'écrive en réalité depuis que je sais tenir un stylo. Et jamais, absolument jamais, je ne me suis posé la question de savoir comment je devrais traiter un personnage blanc, noir, jaune, rouge, lesbien, trans et j'en passe. Même pour mes personnages blancs, je ne me suis pas posé la question, je n'ai même jamais précisé leur couleur de peau, dans aucun de mes livres ! Tout simplement parce que pour moi, cela n'a absolument aucune sorte d'importance ! Et puis, cela laisse aussi le choix aux lecteurs d'en décider. Depuis l'apparition de ce mouvement qu'est la "cancel culture", je commence à me dire que peut-être, je devrais me poser ces questions du traitement de personnages de diverses couleurs et origines, alors que j'ai toujours écrit de manière naturelle, comme les histoires me venaient à travers les personnages que j'inventais. A cause de la "cancel culture", il semblerait que je risque de devoir me demander si je ferais bien d'ajouter des personnages noirs, jaunes, rouges, lesbiens, trans et j'en passe à mes histoires, car si je ne le fais pas, on risque de me reprocher que tous mes personnages sont blancs. Et à l'inverse, si j'en ajoute, je risque les foudres des acteurs de la "cancel-culture", parce que je risque de traiter ces personnages d'une façon qui ne convient pas à la bien-pensance que l'on veut nous imposer à travers la "cancel culture". Alors, dois-je en ajouter, ou pas ? Un choix impossible à faire, en somme.

Mais pourtant, je ne veux pas me poser ces questions-là. Je ne veux pas rédiger des paragraphes entiers en marchant sur des œufs. Je veux simplement écrire mes histoires telles qu'elles me viennent, traiter mes personnages comme eux-mêmes m'entraînent à les traiter, et ne surtout pas me poser ce genre de questions. Il en va de la fluidité de ma plume, ce que mes lecteurs apprécient particulièrement, et surtout de mon plaisir à vous proposer de nouvelles histoires, qu'elles soient fantastiques, de Fantasy, de type Thriller ou autres... Je n'ai pas envie de devoir réfléchir à deux fois avant d'écrire quelque chose, sous prétexte que je risque d'offusquer telle ou telle frange de la société. C'est pourtant ce que je me retrouve obligée de faire aujourd'hui, même sans le vouloir, à travers chacune de mes publications, que ce soit sur les réseaux sociaux ou ici. Mais pas encore dans mes livres. Parce que j'ai la crainte d'être mal interprétée, mal comprise. J'ai la crainte d'offusquer quelqu'un, alors même que ce n'est absolument pas mon but. Je ne veux pas de cette violence-là, nous avons déjà suffisamment de violence dans nos rues pour y ajouter cette violence-là. Je ne suis pas d'accord pour transposer ces craintes jusque dans mes livres. Et pourtant, je risque d'y être obligée.

Je n'aime pas les années 2020. Définitivement pas. Du haut de mes petits 35 ans, on pensera sûrement que je suis vieux-jeu de dire que c'était mieux avant. Mais pourtant, les faits sont là, c'était mieux avant. 1000 fois mieux. Je suis triste de ce monde dans lequel je vis aujourd'hui... Un monde dans lequel un enfant de 11 ans en vient à traiter un autre enfant de 11 ans de raciste, juste parce qu'il a dit d'un nom qu'il est "chinois". Ce n'était pourtant pas un jugement de sa part, seulement voilà, ma fille s'est fait traiter de raciste pour la première fois à l'âge de 11 ans, dans les années 2020. Je suis fatiguée, patron...

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